Quelles sont les étapes d'une délégation de pouvoirs ?

25/10/2015

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La responsabilité pénale de l'entreprise pèse, en principe, sur le chef d'entreprise. Toutefois, dans certains cas, l'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité par une délégation de pouvoirs vis-à-vis de ses plus proches collaborateurs. La délégation de pouvoirs se pratique notamment en matière d'hygiène et de sécurité, de représentation du personnel et de pouvoir disciplinaire.

Quels sont les domaines ouverts à la délégation de pouvoirs ?

1.Hygiène et sécurité

La délégation de pouvoirs est le plus souvent utilisée en matière d'hygiène et de sécurité où la réglementation est complexe et peut, en cas d'inobservation, entraîner des accidents et engager la responsabilité pénale de l'employeur.

Dans ce domaine, les tribunaux considèrent que l'employeur commet une faute s'il ne la prévoit pas dès lors qu'il ne peut plus assurer lui-même l'application de la réglementation, du fait notamment de la taille de son entreprise.

2. Gestion du personnel

La délégation de pouvoirs est utilisée fréquemment en matière de gestion du personnel, informatique, comptabilité, transports, environnement et, d'une manière générale, dans tous les domaines où la responsabilité pénale du chef d'entreprise peut être engagée.

Concernant la gestion du personnel, elle peut être prévue pour assurer le respect de la législation en matière de durée du travail, d'embauches, de procédures de licenciement, d'organisation des élections professionnelles, etc.

Il convient de porter une attention particulière sur l'identification des domaines délégués. Ainsi, par exemple, le licenciement par un directeur auquel une délégation de pouvoirs a été consentie par le président est sans cause réelle et sérieuse, si la délégation mentionnait exclusivement la possibilité de recruter et de signer les contrats de travail.

3. Relation avec les instances représentatives du personnel

La présidence du CHSCT (s'il existe) ou des réunions avec les délégués du personnel peut faire l'objet d'une délégation de pouvoirs. Dans ce cas, vous devez être particulièrement vigilant, car vous ne pouvez pas désigner un représentant qui ne ferait qu'enregistrer les questions des représentants du personnel et vous les transmettre.

En effet, selon les tribunaux, cette manière de procéder porte atteinte au bon fonctionnement des institutions représentatives du personnel et constitue un délit d'entrave.

De fait, la délégation peut concerner tous les secteurs de votre entreprise, à condition toutefois qu'elle ait une taille ou une complexité d'organisation significative.

Ainsi, les délégations que vous mettrez en place seront considérées par les juges comme un moyen d'échapper à vos responsabilités et, de ce fait, deviendront sans effet en cas de litige :

  • si votre entreprise est de taille modeste ;
  • si vous avez une connaissance immédiate des événements qui surviennent ;
  • si vous pouvez veiller vous-même à l'application de la réglementation.

Il n'existe aucun seuil minimal (en effectif, chiffre d'affaires, masse salariale, etc.) à partir duquel vous pouvez mettre valablement en place une délégation.

Il n'y a pas de règles préétablies en la matière et les juges sont souverains dans leur appréciation. Ils examinent la validité de la délégation au cas par cas et retiendront comme principaux critères :

  • la nature de votre activité ;
  • la complexité de votre organisation ;
  • l'existence d'un ou plusieurs établissements ou chantiers et leur éloignement ;
  • le nombre de salariés ;
  • votre masse salariale ;
  • etc.

Quelles sont les conditions pour que le salarié retenu puisse bien être délégataire ?

Pour pouvoir recevoir une délégation de pouvoirs, le délégataire doit :

  • être salarié de votre entreprise ;
  • être placé dans une situation de subordination à votre égard (le dirigeant d'un groupe ne peut déléguer à un autre dirigeant de société que s'il a un pouvoir hiérarchique sur ce dernier).

Vous devez ensuite vérifier si son contrat de travail prévoit la possibilité d'une délégation. Si tel n'est pas le cas, vous devrez convenir avec lui la possibilité d'y ajouter un avenant.

Vous pouvez déléguer à tous les niveaux de votre hiérarchie sous les conditions cumulatives suivantes :

  • le délégataire doit avoir les compétences nécessaires ;
  • il doit avoir une autorité suffisante ;
  • il doit avoir les moyens pour mener à bien sa mission.

Dans ce cadre, il a été jugé qu'un salarié trop récent dans l'entreprise, même responsable de la production, manque de l'autorité et des compétences nécessaires pour assumer une délégation de pouvoirs.

Vous ne pouvez pas donner une délégation à plusieurs salariés pour la même mission car, selon les juges, un tel système est susceptible de restreindre l'autorité et d'entraver les initiatives de chacun des délégataires. En revanche, vous pouvez diviser les pouvoirs et les déléguer entre plusieurs salariés intervenant dans le même secteur de l'entreprise.

Quels sont les effets de la délégation de pouvoirs et ses limites ?

En tant que chef d'entreprise, vous êtes personnellement responsable des infractions commises par vos salariés ou par vous-même.

1. Transfert de votre responsabilité pénale en tant que personne physique

La délégation de pouvoirs vous permet, en cas d'infraction, d'écarter votre responsabilité pénale, qui est alors transférée à votre délégataire. Le délégataire devient responsable pénalement du respect des prescriptions dans le ou les domaines délégués. Toutefois, ce principe n'est pas absolu, il comporte des limites. Ainsi, lorsque vous prenez une décision nécessitant la consultation préalable du CHSCT ou des délégués du personnel, vous devez vous assurer que votre délégataire a bien rempli sa mission de consultation dans les domaines prévus par le Code du travail. À défaut, vous serez conjointement responsable de délit d'entrave.

Votre responsabilité pénale peut être engagée :

  • si vous n'intervenez pas pour mettre fin aux agissements de votre délégataire alors que vous étiez informé que ce dernier allait commettre une infraction ;
  • si vous avez commis une négligence ou une imprudence ayant permis la réalisation de l'infraction notamment par une mauvaise organisation de l'entreprise ;
  • si vous avez participé de près ou de loin à l'infraction.

Pour que la délégation de pouvoirs joue son rôle exonératoire, aucune faute personnelle ne doit pouvoir vous être reprochée.

Pendant la durée de la délégation, vous devez veiller à ce que le délégataire continue de réunir toutes les conditions requises. Le délégataire est pénalement responsable des infractions commises en son absence. Il en est ainsi, notamment, pendant son congé annuel, s'il n'a pas pris avant son départ les mesures nécessaires pour que soit assuré le respect des règles relevant de ses attributions. Si aucune faute personnelle ne peut être imputée au délégataire, sa responsabilité sera exclue.

2. Maintien de votre responsabilité civile

Votre responsabilité civile peut toujours être engagée en raison des actes commis par un de vos salariés. En effet, selon le Code civil, vous répondez des faits commis par vos salariés dans l'exercice de leurs fonctions, peu importe le fait que, par le jeu d'une délégation de pouvoirs, le salarié soit pénalement responsable.

L'action en responsabilité civile est ouverte à toute victime pour assurer la réparation d'un préjudice qu'elle a subi.

Le chef d'entreprise peut-il faire une délégation à son conjoint qui travaille avec lui ?

La délégation de pouvoirs ne peut être faite au conjoint salarié que s'il existe un lien de subordination réel entre les conjoints, c'est-à-dire si le conjoint salarié reçoit des ordres et des directives du chef d'entreprise et doit lui rendre compte de son activité, ce qui est très difficile à établir. En outre, une délégation de pouvoirs dans le domaine financier fait perdre au conjoint salarié ses droits à l'assurance chômage.

À noter que le conjoint collaborateur inscrit au répertoire des métiers ou au RCS dispose d'un pouvoir légal de représentation du chef d'entreprise qui lui permet d'exécuter tous les actes administratifs de gestion de l'entreprise (courriers, signatures des devis, des contrats, des bons de commande, contacts avec les administrations).

Quelques conseils

1. Avant de confier la délégation de pouvoirs, prévoyez un entretien au cours duquel vous informerez le salarié désigné et lui remettrez la délégation

Cette transmission en personne de la délégation pourra vous permettre de répondre à toutes les interrogations que se poserait le salarié. C'est aussi un moyen de l'assurer de votre confiance.

2. Formalisez la délégation de pouvoirs par un écrit qui sera signé pour acceptation par le salarié

Un écrit n'est pas exigé. Toutefois, pour votre sécurité juridique, nous vous recommandons vivement la rédaction d'un écrit précisant l'objet et l'étendue de la délégation de pouvoirs : la délégation doit être limitée dans son étendue (secteur d'activité, mission déterminée, etc.) et ne peut pas provoquer un abandon complet des responsabilités du dirigeant. Elle doit par ailleurs avoir une durée suffisante.

Vous pourrez rédiger un acte exprès de délégation de pouvoirs, une lettre de mission ou un avenant au contrat de travail. Vous pourrez compléter cet écrit par un organigramme et/ou une note de service, diffusé le plus largement possible dans l'entreprise.

La note de service peut être également un moyen de confirmer le positionnement hiérarchique du délégataire à l'égard des autres salariés et des tiers et de faciliter ainsi l'accomplissement de sa mission.

3. Vous pouvez sanctionner le délégataire qui n'a pas fait application de sa délégation

Un délégataire en matière de règles de sécurité qui a négligé de faire respecter ces règles auprès des salariés peut être licencié pour faute grave.

Textes officiels

  • C. pén., art. 121-2 (personnes morales responsables pénalement des infractions commises par leurs représentants)
  • C. civ., art. 1384 (responsabilité civile des personnes dont on doit répondre)
  • Cass. crim., 14 mai 2013, n° 12-81 847 (un salarié trop récent dans l'entreprise manque de l'autorité nécessaire pour assumer une délégation de pouvoirs)
  • Cass. soc., 7 octobre 2015, n° 14-12.403 (un délégataire en matière de règles de sécurité qui a négligé de faire respecter ces règles auprès des salariés peut être licencié pour faute grave)

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