Face à une objection, une contradiction ou tout message à contenu négatif, exprimés envers nous par nos collaborateurs, nous pouvons réagir sur la base de trois réactions types inappropriées :
contre-attaquer : c'est une attitude dont le résultat est de nier l'émotion et l'insatisfaction de l'autre. Elle conduit à une escalade agressive ;
lui faire comprendre qu'il a tort : cela va dériver dans une situation de « ping-pong verbal » ;
se défendre : cela génère chez l'interlocuteur le sentiment qu'il avait raison de se plaindre et cela conduit à une spirale agressive.
Il est donc bon de garder cela à l'esprit et de guider notre collaborateur vers la bonne attitude. Pour cela il est souhaitable de prendre en compte l'objection, de ne pas s'y opposer mais au contraire de l'écouter en profondeur. Ceci pour une raison très simple : l'objection est déjà une première étape vers l'engagement d'un collaborateur. En ce sens que s'il ne faisait aucune objection, cela pourrait signifier qu'il ne prend même pas la peine de s'intéresser à nos décisions, ou parce que de toute façon il fera comme il le souhaite, sans considération de nos orientations.
Il est important de percevoir qu'il existe trois types d'objections :
l'objection fondée ;
l'objection qui cache une conviction erronée ;
l'objection qui cache un alibi sur son manque de vouloir-faire ou savoir-faire.
Reprenons chacune d'elles dans l'ordre :
C'est le cas lorsqu'un collaborateur émet une objection qui va exprimer une vraie difficulté à notre demande. Le risque dans ce cas est de ne pas le reconnaître et considérer par erreur l'objection comme un alibi à ne pas faire.
Cela est résolu par une réelle écoute et par un premier principe.
Pour y répondre utilement il est crucial de passer par trois étapes :
Reformuler l'obstacle qui a été exprimé : « si je comprends bien vous pensez que vous n'avez pas le temps de revoir le budget ? ». Obtenir un accord du collaborateur.
Approfondir l'obstacle évoqué par notre collaborateur, afin d'en vérifier le réalisme, par exemple s'il manque de temps : « OK, combien de temps vous faudrait-il d'après vous ? ».
Ensuite, proposer au collaborateur de nous dire comment il envisage de s'y prendre pour contourner l'obstacle évoqué.
Les convictions sont les avis qui se sont forgés avec le temps sur une personne, une situation ou un outil. Peu importe que cette conviction soit vraie ou fausse, elle possède un énorme avantage qui n'a rien à voir avec la véracité : elle permet de se donner un aperçu rapide d'un évènement ou d'une personne, et de décider vite de son intérêt ou de sa valeur. Or, dans le milieu professionnel cette capacité est très demandée, et les convictions y sont donc légion.
Détecter ces pensées négatives est un travail important pour le manager, car il pourra tenter d'y répondre afin de les réduire ou de les supprimer. Ces convictions bloquantes s'expriment de diverses façons :
en termes d'inutilité : c'est nul, ça ne sert à rien, ça ne marche pas, c'est trop difficile à utiliser, ça sert à nous fliquer, etc. ;
en termes d'erreur de cible : ce n'est pas pour nous, c'est juste pour faciliter le travail des responsables, c'est juste pour nous embêter, etc. ;
en termes de résultats négatifs : c'est ennuyeux, c'est dégradant, c'est salissant, ça gêne un/une tel(elle), c'est malhonnête, etc. ;
en termes d'incapacité personnelle : j'ai toujours été mauvais en..., je perds toujours trop de temps, de toute façon je rate toujours quand, etc.
La difficulté avec ce type d'objection est qu'elle met en lumière une vision souvent déformée de la situation. Tel collaborateur trouvera que tout comportement un peu « commercial » est malhonnête, ou manipulateur, tel autre jugera une demande comme inutile car elle lui a déjà été faite dans le passé et s'est soldée par un échec, sauf que la situation a changé depuis cette époque, etc.
La bonne manière de répondre à ce type d'objection est faite de quatre étapes :
Reformuler la conviction : « si je comprends bien vous trouvez que ce que je demande a un caractère malhonnête pour le service comptabilité ? » Obtenir un accord du collaborateur.
Demander au collaborateur de mieux expliquer en quoi notre demande ou notre décision est contraire à ses valeurs : « me permettez-vous de savoir ce que vous voyez de malhonnête dans ma demande, car sachez que si cela avait été le cas je ne l'aurais pas faite ! ». Puis, creuser ses réponses en cherchant à ce que le collaborateur donne des faits, concrétisant ainsi son sentiment et permettant de transformer celui-ci en répercussions observables et mesurables.
Reformuler à nouveau les explications apportées par le collaborateur sur son sentiment : « si je comprends bien, vous trouvez que ma demande est malhonnête car elle ne permet pas au service comptabilité de se préparer suffisamment et risque donc de les mettre en défaut ». Obtenir l'accord du collaborateur.
Apporter des faits qui permettent de lui montrer que sa vision est erronée, mais en supprimant toute expression de mépris ou démontrant qu'il a eu tort. Au contraire ne pas hésiter à dire par exemple « ...et j'aurais dû être plus clair ».
Les objections émises par un collaborateur peuvent cacher un alibi à ne pas faire ce que vous lui demandez, ou cacher sa responsabilité d'un échec. La différence avec une objection de conviction est que le collaborateur sait que ce qu'il avance est faux.
L'alibi dédouane la personne qui l'évoque : manque de temps, manque de moyens, etc. C'est alors à nous de le mettre en évidence et pour cela il est important de rester très rigoureux dans ce type de situation.
Voici un exemple où un manager reproche ses retards excessifs à son collaborateur :
Collaborateur : Vous savez que j'habite en grande banlieue, et avec les RER on ne sait jamais quand on arrive.
Manager : D'accord en effet il y a des perturbations possibles, mais vos retards sont en moyenne de deux à trois matins par semaine, est-ce que les perturbations causant des retards sont aussi nombreuses ?
Collaborateur : Ah oui je vous assure !
Manager : Sans indiscrétion quelle est la station de départ de votre train ?
Collaborateur : Mery-en-Valois.
Manager : Me permettez-vous de regarder les fréquences de départ ?
Collaborateur : OK mais vous savez je peux vous les donner !
Manger : D'accord, quelles sont-elles ?
Collaborateur : Hé bien il y a un train toutes les 20 mn !
Manager : Très bien, et vous mettez combien de temps pour venir ?
Collaborateur : Quand tout va bien, 40 mn.
Manager : Ok, alors je vous propose que vous preniez dorénavant le train d'avant votre horaire habituel ! Quel est votre horaire habituel ?
Collaborateur : Hé bien disons, heu (hésitation)... le train de 7 h 20 !
Manager : Parfais, donc à vous de prendre le train de 7 h 00. Vérifions si c'est le cas... (le manager va regarder les horaires SNCF)... Pardon mais ils disent que le train est celui de 7 h 10, puis ça passe à 7 h 30, est-ce plutôt à 7 h 30 que vous le prenez d'habitude ?
Collaborateur : Ah ben peut-être !
Manager : Hé bien effectivement pour être à 8 h 00 c'était trop juste. Donc dorénavant prenez le 7 h 10, d'accord !
Collaborateur : Hoche la tête affirmativement sans un mot.
Manager : Très bien, et la semaine prochaine je souhaite que vous soyez à votre poste à 8 h, on est d'accord ?
La bonne manière de répondre à ce type d'objection est faite de deux étapes, dont la première est la même que pour les objections de conviction, puis se différencie :
Écouter l'objection comme si elle était fondée.
Puis demander au collaborateur des exemples concrets, ou des preuves tangibles de l'objection ou de l'obstacle évoqué. Là deux cas de figure :
Si les réponses sont floues, dites que vous n'arrivez pas à comprendre ou à percevoir la réalité de l'objection. Puis n'approfondissez pas et demandez au collaborateur comment il compte le contourner. S'il persiste revenez à l'objectif qui lui est exigé ou le reproche de départ et exprimez-lui les risques de sanctions qu'il prend.
Si les réponses ont une apparence tangible et factuelle. Dans ce cas il est bon de stopper l'entretien et de prendre le temps de vérifier ses réponses. Souvent cela conduit un collaborateur ayant exprimé des alibis à se rétracter et à proposer une solution. S'il ne le fait pas et que vous découvrez qu'il a exprimé des alibis, alors le prochain entretien reviendra à exprimer votre mécontentement
Face à un collaborateur qui communique de façon négative ou qui crée un climat de tension, notre écoute de ses sentiments et des besoins exprimés par reformulation est un outil très puissant pour lui permettre de revenir à une relation plus apaisée. Si nous comprenons que les jugements agressifs ne sont que l'expression maladroite de besoins insatisfaits, nous pourrons entendre ces besoins et trouver une issue constructive.
Il est profitable de considérer au départ de votre entretien que l'objection de votre collaborateur est fondée. Même s'il s'avère après échange qu'il avait tort ou que cette objection cachait un alibi. Cette position a priori positive envers votre collaborateur sera toujours bénéfique, car elle vous conduira à une vraie écoute. Toute autre attitude sera perçue par lui comme de la suspicion ou de l'agressivité et se traduira en conflit inutile.