Ce titre de fiche peut vous paraître quelque peu étrange. Quels sont ces obstacles et en quoi sont-ils liés à la motivation ? Prenons quelques exemples pour l'illustrer. Si, malgré la fatigue d'une journée de travail, nous voulons aller faire notre entraînement de course et que nous trouvions le stade portes closes, si nous devons ouvrir la grille de l'agence le matin et que la serrure nous entaille systématiquement le doigt, si pour utiliser tel outil il me faut l'autorisation du gardien qui se trouve à 200 mètres, et que tout ceci se répète, alors il y a de forts risques que ma « motivation » s'estompe.
Nous pouvons les classer en trois domaines :
les obstacles organisationnels ;
les obstacles informationnels ;
les obstacles émotionnels.
Priorité et emploi du temps
Lorsque nous transmettons nos objectifs, il est nécessaire d'en vérifier la faisabilité en termes de priorité et d'emploi du temps : comment l'objectif vient-il s'insérer dans l'ensemble des autres tâches ? Le problème se situe le plus souvent au niveau du délai de réalisation pour le collaborateur. S'il y a urgence, par exemple, alors il faut aménager au mieux les autres demandes, sans quoi ni l'urgent ni le reste ne risque d'atteindre nos exigences. Or, pour maîtriser les délais, il est nécessaire de bien mesurer le temps de réalisation.
Deux approches le permettent :
tout simplement le demander au collaborateur : qui mieux que lui peut avoir une vision aussi précise de sa charge et de ses capacités ? ;
analyser le travail demandé.
Complexité des procédures
Cet obstacle concerne la présence possible de difficultés dans la réalisation d'un processus de travail, qui pourraient être supprimées en simplifiant le processus. Nous ne voulons pas dire qu'un processus de travail doit être systématiquement simple et accessible. Si ce n'est pas le cas et que le collaborateur ne peut y arriver, la formation peut être une solution. Mais, auparavant, il est très souhaitable de se demander si cette complexité est si nécessaire. En effet, il arrive que certains processus puissent être simplifiés, pour celui qui les réalise, sans toutefois diminuer nos exigences ou leur importance. Au cours de l'audit d'une filiale d'un grand distributeur, nous avons eu l'occasion de constater que l'on donnait aux vendeurs une liste de produits stratégiques à vendre sous la forme d'un code. Celui-ci ne correspondait à rien de connu des vendeurs, et ceux-ci devaient faire le lien avec les codes fabricants de ces produits, à chaque acte de vente ; d'où double tâche, temps inutile, etc. Pourquoi avoir fait une telle « erreur » ? Simplement parce que ce code était plus facile à entrer en informatique, et donc représentait le point de vue du service informatique et non celui des vendeurs (les utilisateurs finaux).
Nous aimerions évoquer un autre exemple. Faciliter le processus d'achat des clients est l'un des processus clés que le marketing cherche à simplifier. De nombreuses études ont établi que, devant un linéaire, le client pose son regard d'abord sur les étagères à mi-hauteur, à hauteur des yeux d'un adulte. Conclusion, les produits que le magasin cherche à vendre en priorité seront placés à cette hauteur.
Parmi les moyens pour simplifier un processus de travail, on compte les listes d'actions à se rappeler, les consignes à ne pas oublier, les documents à remplir simplifiant des demandes, etc. Autant d'outils qui simplifient un aspect de l'action à réaliser. L'une des répercussions positives non négligeables d'élaborer ce type d'outils est qu'elle nous conduit à formaliser par écrit ce qui est oral et implicite.
Ergonomie du poste de travail
Bien que ce point ait été étudié par la science ergonomique elle-même et fasse l'objet de nombreuses publications, il n'est pas inutile de rappeler que les actions humaines sont tributaires de l'environnement de travail physique. Au-delà des aspects classiques touchant aux facteurs bruit et luminosité, nous aimerions attirer l'attention sur l'accessibilité des informations. Nous avons eu l'occasion d'auditer le service de vente par téléphone d'une entreprise de distribution de produits techniques, où les opérateurs avaient à manipuler à chaque appel un nombre assez important de catalogues de fabricants (de l'ordre au moins d'une vingtaine). Or, ces catalogues étaient entreposés dans une armoire à environ 6 à 7 mètres des postes d'appel, conduisant à un déplacement incessant des vendeurs. Conclusion, une perte de temps pour chacun, des problèmes de qualité de la relation téléphonique (coupure, arrêt momentané, etc.) et une gêne réciproque car ces catalogues n'étaient pas en nombre suffisant (voire pour certains en mauvais état). La réponse a été de doter ce service de deux armoires circulaires tournant sur un axe, offrant rapidement les catalogues, et de diviser le bureau en deux groupes d'opérateurs oeuvrant chacun autour d'une armoire.
Pouvoir et collaboration interservices
Il est établi aujourd'hui que le manque de collaboration entre services est préjudiciable aux résultats des entreprises. L'une des causes à ce problème se trouve au niveau des relations interindividuelles et la solution est ici également dans les mains des managers. Nous avons été témoin d'un tel problème entre le service de hotline et le service commercial d'une entreprise.
Le rôle principal d'un technicien de hotline est de renseigner le client au téléphone sur des questions techniques d'utilisation des produits. Mais, au détour des appels, d'autres renseignements sont demandés, notamment le souhait de voir tel commercial lui rendre visite. Or, lorsque la visite souhaitée n'a pas eu lieu, les clients expriment leur mécontentement aux techniciens, renforçant ainsi une opposition et un climat conflictuel entre les deux services. Pourquoi est-ce ainsi ?
Cela est dû au manque de légitimité des techniciens face aux commerciaux. Transmettre ces demandes et conduire les commerciaux à se rendre chez les clients mettent les commerciaux en situation de subordination. Pourquoi une telle attitude ? Parce qu'il existe une hiérarchie implicite et non prescrite entre les techniciens et les commerciaux où ces derniers sont « au-dessus » des premiers.
Si rien n'est opposé à cet état de fait, très vite les demandes des clients ne seront pas transmises, ou les oppositions entre services vont prendre de dangereuses proportions. Pour enrayer cela, le premier réflexe est de donner ou de rappeler aux techniciens que la transmission des demandes fait partie de leurs objectifs. Ceci sera accompagné d'une exhortation du type « c'est très important », voire « et si j'apprends que ça n'est pas fait, vous aurez de mes nouvelles ». Malheureusement, ça ne marche pas, et le manager dira probablement « ils ne VEULENT pas le faire », « ils ne COMPRENNENT pas pourquoi il faut le faire », etc. Ce type de problème a comme origine un manque de statut.
Dans cet exemple, les techniciens ont besoin du soutien du manager pour se positionner face aux commerciaux et éviter que ceux-ci ne disent (explicitement ou implicitement) « en quoi je ferais ce que tu me demandes, toi qui n'es que technicien ? ». Pour éviter cela, le manager doit préparer le terrain en clarifiant et en communiquant l'objectif du technicien aux commerciaux. Deux situations différentes sont à distinguer suivant que les techniciens et les commerciaux ont le même manager ou des managers distincts :
Manager commun : c'est à lui seul qu'incombe cette action, par exemple, au cours d'une réunion de travail avec l'équipe des commerciaux.
Managers distincts : c'est à chacun d'eux de se rencontrer afin que l'un évoque l'objectif à l'autre. Pour que cela ait lieu, il faut là encore un management exemplaire de leur propre hiérarchie. Pousser des managers à réaliser ce type de collaboration n'est pas le résultat du hasard, de la « bonne camaraderie », ou de toutes bonnes intentions. Il est le résultat des mêmes principes qui valent entre managers et collaborateurs, et qui créent ce type de « valeur » partagée du haut en bas de l'entreprise.
Lorsque chacun conçoit sa mission comme un maillon du bien général, un problème de statut est moins présent. Là encore les managers sont au centre de la mise en place et du maintien de telles valeurs.
L'obtention d'une information
L'information peut aussi être difficile d'accès. Nous avons eu l'exemple d'une employée qui devait demander un code spécial pour se connecter au fichier commun, où se trouvaient des fiches de travail à utiliser. Or, ce code n'était disponible qu'auprès d'une seule personne. Le taux d'utilisation des fiches de travail était quasi nul au grand détriment de la productivité.
Grâce à la rédaction de l'objectif, le manager a déjà un outil efficace pour communiquer les informations nécessaires à l'action. Cependant, il est toujours souhaitable de s'assurer qu'elles seront disponibles quand le collaborateur en aura besoin. En fait, il faut distinguer deux aspects d'un manque d'information. D'une part, en termes de temps, d'autre part, en termes d'accès.
Le retard dans l'arrivée d'une information est un obstacle plus souvent présent qu'on ne le croit. Prenons l'exemple de ce responsable de filiale d'une entreprise de stockage dont l'objectif d'action pour l'année était de déménager l'un de ses centres de stockage dans une autre localité. Le service juridique du siège devait prendre en charge l'obtention du permis de construire. Faute de l'obtention de ce permis dans les temps prévus au départ, ce manager s'est trouvé sous pression pour déménager in extremis en fin d'année, avec des répercussions assez désastreuses sur le service pendant ce laps de temps.
La formulation des informations transmises
L'obstacle peut provenir aussi de la forme dans laquelle l'information arrive à l'intéressé. La compréhension des informations écrites est un obstacle encore plus présent dans nos entreprises, et dont les répercussions négatives sont plus grandes. Pourtant, celui-ci est rarement reconnu car nous ne souhaitons pas révéler notre incompréhension devant une note de service, un document de travail ou une procédure indigeste. Il est intéressant de remarquer combien l'auteur d'un texte a de facilité à rejeter le manque de compréhension sur le lecteur et non sur sa propre difficulté de communication écrite. Nous avons eu l'occasion, par exemple, d'entendre un directeur des ressources humaines s'emporter parce que « ces idiots de directeurs d'agence n'avaient rien compris à sa note sur les recrutements, alors que pour une fois il avait fait un effort de style... ! ». Après vérification, nous avons trouvé un texte où l'ensemble de la procédure tenait sur 10 lignes de texte sans aucune coupure, donc employant tout un réseau de propositions subordonnées imbriquées les unes dans les autres, avec, de plus, des expressions ampoulées comme celle-ci : « la détérioration continue de l'adaptabilité apparaît comme un obstacle à la mobilité professionnelle... », pour signifier simplement que les gens ont de plus en plus de mal à s'adapter aux situations nouvelles et hésitent à changer de métier !
On peut supposer qu'un texte obscur et rebutant sera lu tout de même, et que les lecteurs tenteront tant bien que mal d'en comprendre le sens. À supposer, pourtant, qu'ils soient résolus à faire cet effort, rien ne dit qu'ils ne commettent pas d'erreurs d'interprétation. Les informations écrites transmises dans nos entreprises sont souvent destinées à des gens qui n'en attendent rien de particulier. Non pas qu'ils soient hostiles, ou aient une opinion opposée, mais ils n'ont simplement qu'une indifférence, neutre ou même bienveillante. Nous ne pouvons exiger d'eux, collaborateurs, clients, voire fournisseurs, qu'ils lisent et relisent avec application nos textes.
Quel que soit le type d'informations à diffuser, la règle d'or est de hiérarchiser nos informations. Pour cela, voici quelques consignes :
Présenter l'objectif du message : aller droit au but. Parler de ce qui est le plus important en priorité.
Justifier l'objectif : exprimer pourquoi, quels sont les enjeux de ce travail, quelles seront les conséquences, etc. ?
Séparer information principale et information détaillée :
cela consiste à mettre en « annexe » les informations complémentaires et détaillées. Cela peut paraître évident, pourtant bon nombre de nos documents, notes ou procédures ne l'appliquent pas.
Une émotion se définit très simplement par le ressenti physique qui accompagne un événement de notre vie, quel qu'il soit. Nous recevons de notre environnement toutes sortes d'émotions négatives, toutes ne vont pas nous affecter durablement ; certaines, en revanche, auront un impact important. En tant que manager, nous ne pourrons pas prévenir toutes les sources d'émotions négatives ; en revanche, nous pouvons en réduire quelques-unes qui sont à notre portée : celles provenant d'un manque de justification de nos décisions, et celles provenant de nos discussions informelles. C'est pourquoi il nous faut distinguer ces deux sources d'obstacles émotionnels.
Obstacles provenant de nos manques de justification
Justifier nos décisions est un aspect important de la motivation des collaborateurs car ils peuvent être choqués inutilement de nos décisions à leur égard, par manque de justification. Voici une illustration d'un tel manque de justification et de ce que cela provoque.
Bernard est le manager de Lucie. En réunion sur le lancement de la prochaine action de formation, ils se trouvent en désaccord sur la planification des sessions :
En n'apportant pas assez de raisons, de justifications à nos décisions, nous provoquons chez nos interlocuteurs un besoin. Si ce besoin n'est pas comblé ou si le collaborateur pense que nous ne le comblerons pas, alors sa frustration se transformera en agression. Et, dans ce cas, un phénomène d'escalade verbale négatif va s'installer, chacun reprochant à l'autre ses propos.
Pour éviter de tomber dans ce travers, il est préférable de justifier nos objectifs ou nos réflexions. La plupart du temps, il est plus motivant pour l'intéressé de connaître les raisons d'un travail inhabituel ou d'un besoin d'amélioration.
Voici une approche préférable que Bernard aurait dû utiliser :
Dans cette deuxième approche, Bernard s'est servi de la démarche en quatre étapes :
lui dire quelles seront les répercussions directes pour elle : cela touche la première préoccupation de nous tous : « qu'est-ce que cela va m'apporter ? » ;
lui dire quelles seront les répercussions sur l'équipe, l'agence, ou le service : cela touche une autre préoccupation qui est de pouvoir situer notre rôle dans l'environnement ;
lui dire quelles seront les répercussions si l'on n'atteignait pas tel résultat (ou si l'on continuait à ne pas l'atteindre) : cela permet d'aborder l'objectif sous l'angle de sa non-réalisation et des conséquences qui en découleraient, renforçant ainsi son importance ;
il aurait pu conclure en lui donnant un exemple récent du succès d'avoir fait comme il souhaitait ou de l'insuccès d'avoir fait autrement : cela permet de concrétiser l'objectif et, ainsi, d'appuyer sur l'importance de sa réalisation.
Vous n'avez pas forcément toujours la capacité d'apporter ces quatre types d'informations ; néanmoins, sachant qu'elles sont classées par ordre d'importance, les deux premières sont vraiment les plus nécessaires.
Choquer inutilement
Lors des discussions informelles que nous avons avec nos collaborateurs, nous pouvons évoquer des convictions, des avis, qui peuvent conduire à créer un obstacle en démotivant à mauvais escient. Nous avons été témoin, par exemple, d'une discussion entamée par un manager autour de la pause café, où il pestait contre les motards car il venait d'avoir un accident avec l'un d'eux. Malheureusement, trois motards faisaient partie de son équipe. Une autre fois, nous avons entendu un responsable évoquer avec fierté sa nouvelle maison de campagne qu'il avait acquise en Espagne, et dont il détaillait le prix et la beauté. Son équipe n'avait largement pas la capacité financière d'un tel achat.
Il faut donc se méfier de ce que l'on évoque sur notre vie privée, nos avis et nos impressions. Faut-il se taire, ne plus discuter simplement ? Non, mais être vigilant, et rester prudent. Ne pas défendre nos convictions trop fortement, ne pas parler de notre environnement privé, à moins que cela ne nous soit suggéré, et toujours garder à l'esprit que nos collaborateurs n'aiment pas ce que l'on aime, ne détestent pas ce que l'on déteste, etc.
Evitez de:
Le temps peut être un frein à la performance. Certains métiers ont des tâches qui ont été minutées, mais la grande majorité de nos actions ne le sont pas. Dans ce cas, nous entendons souvent des managers en difficulté pour établir un temps de réalisation réaliste. Mais la plupart sont gênés de demander à leurs collaborateurs. Il est vrai qu'il peut lui-même surestimer ou sous-estimer le délai. En effet, et nous pourrions ajouter qu'il peut le faire intentionnellement ou non, à bon escient ou non. Avouons que cela fait beaucoup de « si » à propos de la bonne ou mauvaise volonté du collaborateur. Il est plus simple de vérifier les habitudes de franchise du collaborateur en lui faisant d'abord confiance. En règle très générale, nous en sortons gagnant, en ayant généré chez le collaborateur un vrai sentiment de confort et de réciprocité. Si jamais il nous trompe ou « s'arrange » avec la situation, ce sera toujours mesurable et il sera temps de le lui reprocher, et d'être plus méfiant la fois suivante.
Il y a une tendance aujourd'hui à considérer que c'est au collaborateur que revient la compétence de trouver l'information qui lui faut à un moment donné. Ceci est basé sur le principe consistant à considérer que cette quête et son succès révèlent des compétences de débrouillardise ou de compréhension de l'environnement de travail propices aux performances. C'est bien entendu une pure illusion. Face à un manque d'information, le réflexe de tout le monde sera de tenter de les obtenir. Mais après deux ou trois tentatives infructueuses, chacun abandonnera et fera avec. Si on le lui reproche, nous obtiendrons toujours la même expression « il fallait me le dire ». Récemment, dans une entreprise, je posais la question concernant la procédure de gestion des retours de marchandises, et personne n'a été capable de me répondre. Pourtant, les retours devenaient si importants que cela commençait à fragiliser les résultats !
Pour certains managers, le fait d'entamer une discussion informelle, et concernant des aspects de la vie privée, est une marque de sympathie et de proximité avec son équipe. Cela n'est pas faux, mais peut s'avérer très vite dangereux. À trop exprimer des aspects de sa vie privée, on peut très vite exaspérer ou gêner notre entourage professionnel, voire favoriser jalousie et convoitise. Il est toujours préférable de se dire que notre statut de manager exige de la retenue et de la vigilance sur nos prises de position. Nos collaborateurs sont sous notre responsabilité pour des actions d'ordre professionnel. Aborder dans nos discussions des propos personnels dépassent ce cadre, à moins que notre collaborateur puisse exprimer à son tour sa contestation ou ses doutes sur nos propos. Mais le contexte professionnel ne le favorisant pas, il se trouve en quelque sorte « piégé » à nous écouter sans pouvoir, de son côté, s'exprimer avec la même liberté. Cela va créer plus de frustration et de sentiment négatif que le but recherché.